Mon dernier post. Etrange de le relire. Je ne savais plus. Oublié. Mais ça m'aide à retracer "l'avant" de la crise qui a suivi. Ce fameux jeudi 25 août, 3 jours après. Ce matin ou je suis aprtie -paraîtrait il- la moitié de ma pharmacie en poche. Mon RDV de 9H avec la psychomotricienne s'est passé. Ni plus ni moins, je ne sais plus. Mais ça allait, sûrement. A 12H30, en revanche , la psychologue me voyant arriver dans une démarche désarticulée, la chute dans les escaliers et mon élocution pâteuse l'ont finalement convaincue d'appeller les urgences psychiatriques.
Avait-elle une autre solution? J'ai fini par lui avouer que j'étais seule chez moi. Impossible pour elle de me relâcher dans cet état, sachant que je n'allais que retrouver ma solitude et la seconde partie de ma pharmacie.
Ce que j'écris, il faut savoir que je l'ai appris bien plus tard. Parce que mon esprit l'a tout simplement balancé dans le syphon des oubliettes. Je ne sais plus. J'essaye; mais rien en moi, rien du tout, ne me rappelle le moment où l'idée de gober ces médocs s'est installée en moi. Pourquoi je serais partie chargée comme une mule? Pourquoi, alors que tout allait bien? Oui, cette rupture me direz-vous. Oui, peut être. Se dire que même un borderline, un compagnon qui connaît l'horreur de la peur liée à l'abandon..."m'abandonne", c'est un peu comme faire tourner le CD du "si même lui me lâche, qui pourra me supporter, hein? Qui prendre le risque de m'aimer? Qui prendra le risque de me regarder?" Je suis née pour séduire, envoûter, et sucer la vie de l'autre, sangsue invetérée, comme si ma propre enceloppe ne me suffisait pas, et qu'il fallait en aimer une autre. Pour me sentir entière, enfin. J'ai une âme qui ne veut pas de mon corps. Et je me dissocie. Toujours plus fort. Je m'abandonne. Dans tous les sens du terme.
Ce fameux jeudi où, arrivée à l'hôpital, devant la violence de mon état, devant la violence et l'agressivité exacerbée dont j'ai fait preuve dès le premier entretien avec mon psychiatre réfèrent, qui au passage luttant contre tous les objets qu je lui balançais à la gueule -dont la poubelle-, a finalement opté pour une HDT. J'ai vu rouge. Une HDT aux soins intensifs, service fermé, ça signifie pyjama et pas de visites, ça signifie toquer au carreau pour une clope, du feu, et puis rien. Parce que là bas, on ne peut faire que fumer. Et puis attendre. Comme j'ai d'abord essayé de me pendre avec mon pyjama, j'en ai eu un en papier. Et puis j'ai fini par aterrir. Par me rendre compte. J'ai fni par m'écrouler. Par ouvrir les yeux et dégager les dernières brumes de ma mixture avalée. Service fermé. Moi. En service fermé. Moi. Et cet air de poupée déguinguandée trop petite pour ce pyjama. J'étais trop petite pour tout. Mes joues étaient tellement creuses, tellement pâles, le papier bleu me donnait cet air féerique des fées malades, avec les yeux trop grands parce qu'apeurés par al folie dont on se sait capable. On commence à avoir peur de soi même, parce qu'on sent la peur transpirer dans les regards posés sur nous. Combien de temps après ai-je pu m'approcher d'une infirmière sans qu'elle demande à être accompagnée? Sans que je sente son air renfrogné, craintif de la violence que je pouvais dégager. Mon corps tout entier criait à la haine. Je me mettais à rugir pour rien, de cet air bestial que j'adopte quand je sens les murs trop près de moi, quand je sens les limites qui m'opressent...des limites que je n'ai pas choisies. Des murs qui puent l'être torturé, et les coups inscrits dans les murs comme si chacun voulait repousser les murs de sa prison. Mais ils ne cédent pas. On nous enferme. Fauves en cage. Et on nous laisse au milieu. Parfois je me laissais surprendre à les observer fixement. Les blouses blanches. Les regarder longtemps, jusqu'à ce que je ressente encore la peur en eux. Comme pour me conforter et me convaincre qu'ils avaient raison de m'enfermer. C'est que je devais vraiment être mauvaise. Je leur donnais la raison que je n'avais plus. Et puis ça a fini par me taper sur les nerfs. Vraiment. Alors....alors j'ai brisé mon bol de petit déjeuner. Et puis la suite. Si j'étais devenue si laide...alors il fallait agir. Il fallait que ça cesse. Si j'étais devenue un monstre il fallait arrêter le cirque. J'étais devenue la bête, et avais mangé la belle sans en laisser une miette. J'ai serré très fort les pointes acérées de la porcelaine. J'ai inspiré très fort. Pas pour me donner du courage. Juste, je ne sais pas . Comme un aurevoir. Et pour une fois, je choisis. Je prends le choix d'en finir. Me reste de cet épisode une poitrine défigurée. Extorquer mon coeur de mon corps, pour le regarder en face, peut être que c'était mon plan? Combien de fois j'ai eu envie de le faire battre, le refaire fonctionner, le regarder en place pour l'affronter, lui demander ce qu'il atendait pour se mettre en marche le con. De là à vouloir...faire ce que j'ai pu faire avant que les infirmières ne me mobilisent pour aller m'attacher je...Mais de ça non plus je ne me souviens pas. Il y a juste les vestiges sur la chair. La chair encore à vif. Et puis les fouilles au corps à répétition, parce qu'ils savaient que j'aurais été capable. Quand la peur abandonne un être, alors il n'a plus rien à perdre. Il peut tout.
J'ai pu enfin recevoir de la visite. Ma maman d'abord. Qui a su me ramener, me sortir de ces lieux. Quand elle m'y a amenée de nouveau, je sais qu'elle pleurait. Mais je sais aussi qu'elle n'avait pas le choix. Parce que j'étais partie, une autre avait pris ma place. J'étais morte. Et elle, ne voulait que m'abîmer mon corps. Il n'y a qu'à l'hôpital que l'on croise des gens de mon espèce. Des gens qui ont les yeux ailleurs. Mais qui sont prêts à bondir. Ils sont prêts. Fuir, toujours fuir. Pour se foutre en l'air en paix.
Je n'ai fait qu'alterner les services "libres". Et puis les services fermés. Ressortir. Et y retourner. Chaque crise était plus violente que la précédente. J'ai l'air d'une poupée vaudou, tous ces fils me parcourent la peau, anonçant de nouvelles balafres, de nouvelles empreintes, témoignant de Son passage. Je ne connais pas cette fille. Il paraît qu'elle a des yeux immenses. On ne voit plus que ça. Elle n'est plus que haine, et son corps a chaque mouvement se tend les muscles sont saillants, les gestes secs, tranchants, directs. PLus une once d'hésitation. Mais quand même cet air...quand même les mains qui trahissent, les battements de cils un peu trop rapides, quand même les tremblements fragiles et les doigts qui ne font que se torturer les uns les autres. Autant de signes qui ne demandaient qu'une chose à travers tous ces carnages; de l'aide.
J'avais ces moments où me faire du mal -pas mourir, non, juste, me faire MAL-, c'était comme le graal, une quête désesperée dans ce lieu où tout est interdit, où tout est sécurisé, surveillé, décrypté. Et les blouses blanches ne faisaient que me mettre des obstacles. Punition horrible. Il fallait donc les éliminer, bordel!
Je n'ai compris que bien trop tard qu'ils étaient mes alliés. Trop tard que leur seule solution, pour me protéger, oui c'était ce pyjama et m'interdir tous les objets possibles, même les stylos étaient devenus dangereux une fois dépecés.
Tous ces détails que j'apprends, cette méticulosité que j'ai adopté pour tricher, manipuler, simplement pour m'engouffrer dans la moindre faille...j'ai tellement peur.
Comment m'apprivoiser? Comment ne pas être effrayée par ce que je me sais être capable de faire? Comment pouvoir espèrer que ça ne recommencera pas?
Qui va m'aimer? Qui?
Je ne veux plus faire peur. Je ne veux plus "la" laisser venir.
Cette crise, qui a pris fin le 26 août, fut certainement la plus violente, la plus effrayante et la plus déstabilisante que j'aie jamais connue. Pourquoi ce moment? Suis-je alors réellement le monstre hideux, au visage tiré par la folie, révulsée par la haine, que l'on ma décrit? Je ne peux pas être "ça".
J'ai tout oublié. Les lambeaux de l'existence, que j'essaie de raccomoder au fil des témoignages...comme les lambeaux de chair qu'on a essayé de suturer le plus joliment possible, ornement délicat qui accouchera de ces lignes violacées qui parcourent tout mon corps. Je me défigure. Peut être pour m'obliger à me souvenir. Peut être pour la laisser exister. Peut être aussi pour me rappeller que son seul but est de faire le plus mal possible. Pour ressentir. Avoir mal c'est la preuve que l'on vit.
J'ai mal donc je vis. J'ai mal donc je suis. J'ai mal et ça me fait du bien.
Je suis horrible.
La suite...il faut juste que je reprenne consistance. Que je remette la vie sur les joues délavées par le sel des larmes. Et que j'arrête la lame.
J'ai toujours été en quête identitaire. Maintenant, je ne sais même plus si je veux savoir. Ce que je suis sous les couches vitales, ce que je suis au fond de mes vicères, mon vrai moi, le noyau central de mon système, n'est décidément pas beau à laisser sortir. J'aimerais avorter du monstre qui grandit en moi. Mais alors il laissera du vide. Et j'ai peur du vide. J'ai tellement peur qu'il faudra que je l'emplisse, que je l'emplisse jusqu'à exploser...pour me sentir vivante.
Folle. Je suis folle.
haha, "borderline". Il envoie du rêve ce mot hein? Peut être qu'il peut être marrant de l'être un peu. Paraît il qu'à mon niveau la psychose est bien plus dangereuse qu'à l'accoutumée. J'ai entendu "on ne sait pas comment vous soigner" de la part d'un infirmier. A-t-il senti que tout se dérobait en moi à cet instant précis? A-t-il perçu la violence de sa gifle sur mes joues faméliques? At-il entendu le crissement des tripes qui se tordent en tout sens?
Ces mots ont eu l'effet d'une bombe. J'ai besoin d'aide. Non je ne suis pas forte, ni courageuse, ni batttante, ni...rien de tout ça. Je ne suis rien de ça. Je survis, c'est tout. je survis de moi. Je vis dans la censure de mes démons. Rien d'autre. Rien. Me dire qu'eux, formés à toute épreuve, sont démunis et impuissants, c'était comme me dire qu'on me mettait dehors, parce que je n'étais pas soignable. La solution n'existe pas. Et maintenant il faut laisser la place aux autres mademoiselle.
Mais mois je n'arrive pas à remonter vous voyez? non je n'y arrive pas. Et pour une fois dans ma vie, pour une putain de fois je ne ferai pas semblant d'aller bien et de sourire comme une débile mentale.Ne pensez pas que c'est un choix; c'est juste que je n'ai plus la force de le faire. Parce que croyez moi, c'est plus confortable de mentir. De se mentir et de se faire croire que oui, ça va. Ouais, ça c'était facile. Assumer sa douleur, assumer sa tristesse, assumer sa putain de souffrance et les laisser s'épanouir en nous, bordel, c'est le calvaire.
Je ne sais plus si j'aime les défis. Toujours est il que me laisse encore une énième chance. Des fois que j'y arriverais.