Jeudi 1er octobre.
Un grand merci pour vos mots.
Après avoir écrit mon dernier post, j'ai téléphoné au foyer pour leur donner tous mes stocks de cachetons. Tous, sans exception. Discussion avec l'infirmier du jour, pour lui expliquer cette dernière soirée qui m'a foutue en l'air. Pas de solution mais un retour chez moi plus calme. Le lundi a été difficile, avec beaucoup de sang sur les bras. Et la peur au ventre, parce que j'étais seule à la maison. Je ne savais même pas si j'allais passer la nuit. J'ai fini, en pleine crise d'angoisse -et de manque; pas de fumette,pas de cachets, pas d'alcool avec moi!- par rappeler le foyer. Quelques mots glissés entre les larmes, et un "préparez vous, on vient vous chercher, ça va aller. Moi je crois en vous Eugénie, regardez, j'aurais jamais cru que vous seriez passée pour donner tous vos stocks de médicaments, ni nous appeler pour nous dire que ça ne va pas".
Ce que je voulais entendre. Je voulais entendre le "ça va aller", et puis alors "je crois en vous", là, c'était le soulagement.Et puis, ravie d'être tombée sur mon infirmière preferée :) . Parceque perdue au fond de mon lit, secouée par des spasmes d'angoisse violente, franchement, j'étais réellement en train de me demander si j'allais pas crever dans les heures qui suivaient. En les appellant, je me suis rendue compte que j'avais quand même un instinct de survie, et donc, tout au fond, quand même l'envie de vivre. Faut aller la chercher, mais elle est bien là. On a discuté, elle m'a dit qu'elle avait lu les dernières transmissions et qu'elle étaient au courant des derniers évenements. De mes penchants pour la défonce, mais aussi que je me tapais tout ce qui bouge. Elle a évoqué le mot "viol", j'ai fondu en larmes. "Vous êtes une VICTIME, pas une coupable comme vous semblez le croire. Vous n'en parlez jamais; on l'a appris parceque vous l'évoquez chaque fois que vous délirez lors de vos prises excessives de cachets, et que la psy l'a confirmé; apparemment elle a tenté une approche lors d'un rdv que vous avez savamment esquivé en parlant d'autre chose. Vous n'avez encore jamais prononcé le mot viol, comme si c'était de vôtre faute, et que vous culpabilisez! Parlez en, dites, écrivez, au lieu de finir le travail en faisant de votre corps un objet...vous vous détruisez sans relâche, vous ne pensez pas mériter autre chose?"
J'ai murmuré un "si" sans vraiment de conviction dans la voix. Et puis je me suis dit merde, ça fait 7 ans que "ça" s'est passé, et jamais, jamais je n'ai dit "viol". Je préfère "agression", ça fait moins honte. J'ai du en parler une fois à ma mère, une fois à la psy, point final...Ca me fait mal au ventre, ça me donne la nausée à chaque fois que j'y pense, que je l'écris, que j'essaye de le formuler...L'acte en lui même, finalement, n'est pas ce qui me choque le plus. Le plus lourd, c'est ce que j'ai fait de mon corps,après. Et ça, putain j'assume pas.
Je rentre à l'instant du centre d'accueil et de crise où je suis restée 3 jours, pour me mettre en sécurité. J'ai beaucoup pleuré, mais je me suis aussi reposée et j'ai les idées plus claires. A ma question "par où commencer?", je me suis laissé dire qu'il fallait règler ce problème d'addictions au plus vite, histoire d'empêcher les différents dérapages qui ont lieu lorsque je ne suis pas clean. Déja, un bon point. Et ça y est, je me sens prête. J'ai ouvert les yeux et repassé en boucle les paroles que mes amis ont eu à mon égard. Celles du corps médical aussi. Et me rends compte qu'il y a vraiment un problème. Donc, hop, prise en main, demain premier rdv avec le psy du centre d'addictologie. Un peu peur, mais determinée. Cette fois ci, j'y vais avec toute ma volonté. Pas seulement parce qu'on me l'a conseillé.
Vendredi 2 octobre.
Premier rdv à "Réagir", l'association qui lutte contre les addictions. J'ai rencontré un educateur spécialisé, histoire de se présenter. Mais brusquement, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, dans ma tête, gros bordel. "Mais vous voulez quoi, arrêter, maitriser, freiner?" J'en savais rien. Je ne savais plus. Et dans ma tête, ça faisait, "est-ce que c'est vraiment nécessaire, est ce que j'ai vraiment un problème, est ce que je suis réellement dépendante?" "Ce qu'on va faire, c'est que je vais contacter Mme L., vôtre psychiatre, et que je vais vous donner rdv la semaine prochaine pour que vous me formuliez clairement vôtre demande, ok?". Hum. Encore des larmes. Putain, jsuis une vraie paumée. Je ne sais plus ce qui est bon ou non pour moi.
Après midi, rdv avec une nouvelle psy. Qui hoche de la tête chaque fois que je dis un mot. Elle noircit deux pages recto verso en un rdv d'un air entendu, comme si j'étais le parfait cas clinique. En finissant par un "C'est impressionnant comme vous avez scindé le corps et l'esprit. Mais l'anorexie vous a rattrappée,parceque ça ne marche pas comme ça vous savez" Ben putain, heureusement qu'elle était là celle là! Sans blagues!
"Vous n'êtes pas aimable, donc vous vous dégradez, et plus vous vous dégradez, moins vous vous sentez aimable. C'est comme si ça vous rassurait, comme si ça vérifiait le fait que de toutes manières, vous n'êtes pas assez bien" Tristement bien résumé.
En attente des résultats pour le HIV. Trop cool, à l'hôpital tous les médecins, les infirmiers, les psys étaient au courant de mes petites pratiques. Sympa l'humiliation. Enfin, je m'en fous au fond. De toutes manières, j'avais besoin de le sortir.
En tous les cas, passer quelques jours à l'hopital m'a fait du bien, même si ce n'est pas particulièrement une ambiance qui donne la pêche et que les infirmiers vous traitent comme le plu profond des débiles mentaux. La psychiatrie quoi. Mais ça m'a donné la force de téléphoner à mes amis pour leur dire que j'avais saisi le message. Et leur dire que je n'allais pas très bien, mais que j'avais décidé de me soigner. Et de les remercier, surtout, d'être là. Être consciente de la chance de les avoir.